[LIVRE] Les Limites Planétaires, La Découverte, 2020

« 𝑳𝒆𝒔 𝒍𝒊𝒎𝒊𝒕𝒆𝒔 𝒑𝒍𝒂𝒏𝒆́𝒕𝒂𝒊𝒓𝒆𝒔 », Aurélien Boutaud & Natacha Gondran. Editions La Découverte, 2020, 113 pages avec de beaux graphes.
 
Lisibilité:  
Accessibilité:
Qualité des infographies/photos:
 
Note Générale:  
 
𝐃𝐞𝐬 𝐠𝐨𝐬𝐬𝐞𝐬 𝐬𝐚𝐧𝐬 𝐥𝐢𝐦𝐢𝐭𝐞, 𝐜̧𝐚 𝐜𝐚𝐬𝐬𝐞 𝐭𝐨𝐮𝐭. 
 
 
les limites planétaires

 
Tout le monde a certainement vu passer l’info, une 8ème limite planétaire a été quantifiée récemment (et bien malheureusement largement dépassée), sur les 9 identifiées par le Stockholm Résilience Center, qui a démarré son travail en 2008 et publié ses premiers résultats en 2012. 
 
Ce modèle des 9 limites planétaires est utilisé souvent, par beaucoup de monde, pour illustrer l’impossibilité d’une croissance infinie dans un monde fini, à l’instar de l’inénarrable rapport Meadows, et pour évaluer à quel point nous atteignons cette « finitude » sous différents aspects. 
 
Cette 8ème limite quantifiée m’a convaincu de me pencher plus sur les fondements de ce modèle: comment a-t-il été conçu, sur quelles bases, et comment ont-ils pu définir des limites, leur dépassement, et sur quelles bases ? Quelles sont aussi les limites de ce modèle, dont les concepteurs disent ouvertement d’eux-mêmes qu’il n’est pas parfait (ils encouragent d’ailleurs la communauté scientifique à l’amender, le perfectionner, le remettre en question) ?
 
Ce bouquin répond à l’ensemble de ces questions, malheureusement il est sorti avant l’identification de la nouvelle limite... et donc n’en parle pas vraiment. J’ai donc été chercher le rapport (le résumé, en tout cas, en anglais, je vous dis pas l’effort ! Il est ici pour ceux qui veulent) la concernant pour fournir une note de lecture plus complète. 
 
Ce bouquin est d’ailleurs super bien foutu, avec des encadrés qui posent des jalons essentiels et des graphiques qui tombent bien à propos !
 
Récapitulons en vitesse ces 9 limites et leur statut actuel (voir graphe en illustration), qui sont réparties en 3 grands groupes:
 
 
 
𝟏 . 𝐏𝐫𝐨𝐜𝐞𝐬𝐬𝐮𝐬 𝐠𝐥𝐨𝐛𝐚𝐮𝐱 𝐚𝐟𝐟𝐞𝐜𝐭𝐚𝐧𝐭 𝐝𝐢𝐫𝐞𝐜𝐭𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭 𝐥𝐞 𝐬𝐲𝐬𝐭𝐞̀𝐦𝐞 𝐓𝐞𝐫𝐫𝐞:
 
• couche d’ozone: zone de sécurité.
• changement climatique: dépassement dangereux.
• acidification des océans: on entre en zone d’incertitude (risque accru).
 
𝟐 . 𝐌𝐞𝐧𝐚𝐜𝐞𝐬 𝐩𝐨𝐮𝐫 𝐥𝐚 𝐫𝐞́𝐬𝐢𝐥𝐢𝐞𝐧𝐜𝐞 𝐝𝐞𝐬 𝐞́𝐜𝐨𝐬𝐲𝐬𝐭𝐞̀𝐦𝐞𝐬:
 
• cycles de l’azote et du phosphore: dépassement très dangereux (azote) et dangereux (phosphore).
• cycle de l’eau douce: zone de sécurité.
 
𝟑 . 𝐓𝐞𝐧𝐬𝐢𝐨𝐧𝐬 𝐚𝐟𝐟𝐞𝐜𝐭𝐚𝐧𝐭 𝐥𝐚 𝐛𝐢𝐨𝐬𝐩𝐡𝐞̀𝐫𝐞: 
 
• intégrité de la biosphère: dépassement très dangereux (en fait, le plus haut niveau d’alerte de toutes les limites).
• changement d’usage des sols: zone d’incertitude (risque accru)
 
𝐄𝐭 𝐞𝐧𝐟𝐢𝐧, 𝐥𝐞𝐬 𝐝𝐞𝐮𝐱 𝐞𝐧𝐭𝐢𝐭𝐞́𝐬 𝐧𝐨𝐧 𝐞𝐧𝐜𝐨𝐫𝐞 𝐪𝐮𝐚𝐧𝐭𝐢𝐟𝐢𝐞́𝐞𝐬, dont la première ne fait plus partie. Elle n’a pas encore été classée dans les catégories ci-dessus mais on peut supposer que ça les affecte toutes: 
 
• entités nouvelles rejetées dans l’environnement: nouvelle limite identifiée comme très dangereusement dépassée.
• charge atmosphérique en aérosols: pas encore d’indicateur défini.
 
Mais avant de s’attaquer aux limites et leur définition proprement dites, le premier chapitre retrace l’histoire récente de l’inclusion des paramètres naturels dans la vie humaine, à partir du XVIIIème siècle. Quesnay, Gourney (la terre est le principal facteur de production), Ricardo et Smith (Terre, Capital, Travail associés à Rente, Profit et Salaire), Malthus (rendements décroissants et ses fameux propos sur la population), Say (que les ressources soient gratuites est bien la preuve qu’elles sont inépuisables), Engels (les progrès techniques nous permettent de nous affranchir des limites), en faisant remarquer que dès l’aube du XXème siècle, la nature disparaît complètement du champs de pensée de l’économie, jusqu’à y revenir dans les années 50/60 avec notamment Georgescu-Roegen. 
 
Quelques auteurs, réunions internationales et études plus loin (Club de Rome, COPs, trou dans la couche d’ozone, ...) et on en arrive à la notion d’anthropocène en 2000 (Crutzen et Stoermer): l’aventure liant les activités humaines et perturbations du système Terre est alors bien avancé, il manque cependant une manière d’objectiver le tout...

𝗗𝗲́𝘁𝗲𝗿𝗺𝗶𝗻𝗲𝗿 𝘂𝗻 𝗽𝗼𝗶𝗻𝘁 𝗱𝗲 𝗿𝗲́𝗳𝗲́𝗿𝗲𝗻𝗰𝗲, 𝗱𝗲𝘀 𝘃𝗮𝗿𝗶𝗮𝗯𝗹𝗲𝘀 𝗱𝗲 𝗰𝗼𝗻𝘁𝗿𝗼̂𝗹𝗲𝘀, 𝗱𝗲𝘀 𝗹𝗶𝗺𝗶𝘁𝗲𝘀 𝗲𝘁 𝗲́𝘃𝗮𝗹𝘂𝗲𝗿 𝗼𝘂̀ 𝗼𝗻 𝗲𝘀𝘁 𝗲𝘀𝘁: 𝗽𝗮𝘀 𝘀𝗶 𝘀𝗶𝗺𝗽𝗹𝗲 !
 
C’est une approche systémique qui a été choisie (rien de très étonnant) pour tout cela: cela permet d’éviter les approches simplistes et de voir le « système Terre » dans son ensemble, ses interrelations et ses boucles de rétroactions (voir ma note de lecture sur la dynamique des systèmes ici: https://www.facebook.com/RaphaelGoblet/posts/10158053776096879). 
 
Comme point de référence, les concepteurs ont choisi de se baser sur l’Holocène, cette fameuse période particulièrement stable (niveau climat en tout cas), démarrée il y a 10.000 ans, soit la dernière période interglaciaire de l’ère quaternaire, celle qui, précisément en raison de sa stabilité climatique, a permis à l’humanité de se sédentariser, développer ses technologies et sa population. 
 
𝐃𝐞́𝐟𝐢𝐧𝐢𝐫 𝐥𝐞 𝐜𝐨𝐧𝐜𝐞𝐩𝐭 𝐝𝐞 𝐥𝐢𝐦𝐢𝐭𝐞 𝐞𝐭 𝐝𝐞 𝐟𝐫𝐨𝐧𝐭𝐢𝐞̀𝐫𝐞 𝐩𝐥𝐚𝐧𝐞́𝐭𝐚𝐢𝐫𝐞 semble avoir été particulièrement difficile, pour 3 raisons principales:
 
1. Il n’existe pas toujours de limite planétaire au-delà de laquelle un basculement du système est identifiable (variations lentes et diffuses ou concernant la résilience du système, qu’on ne connaît vraiment qu’après un basculement).
 
2. Identifier un point de bascule (les fameux tipping points) nécessite d’avoir isolé un facteur explicatif (variable de contrôle). Or les basculements sont rarement liés à un seul facteur, tout comme le changement climatique n’est pas lié au seul CO2. 
 
3. Quand bien même on a déterminé une frontière et une variable de contrôle, les connaissances scientifiques ne sont pas forcément suffisantes que pour déterminer un point de bascule. 
 
Dès lors les concepteurs ont choisi de fonctionner 𝐬𝐮𝐫 𝐮𝐧𝐞 𝐞́𝐜𝐡𝐞𝐥𝐥𝐞 𝐩𝐫𝐨𝐠𝐫𝐞𝐬𝐬𝐢𝐯𝐞 𝐞𝐧 𝟑 𝐳𝐨𝐧𝐞𝐬, qui se chevauchent et s’enchaînent: une zone de sécurité (on sait qu’on a peu de risques), une zone d’incertitude (risque accru) et une zone dangereuse (risque élevé). Tout l’enjeu est donc de positions chaque limite dans ce continuum en dégradé, aussi bien que possible, mais sans pour autant y ajouter systématiquement des limites chiffrées (il y en a pour la plupart des limites, mais sont sujettes à discussions) ou des dates précises. 
 
Concernant les fameuses 𝐯𝐚𝐫𝐢𝐚𝐛𝐥𝐞𝐬 𝐝𝐞 𝐜𝐨𝐧𝐭𝐫𝐨̂𝐥𝐞 (l’indice - ou même les deux à trois indices - qu’on va suivre pour déterminer la frontière et notre position), elles se basent principalement sur les consensus scientifiques du moment, et donc sur ce que l’on sait où ce que l’on soupçonne très fortement d’être un indicateur majeur et fiable. Rien d’immuable donc, mais le modèle reste basé sur des consensus très solides, et donc crédibles, dans l’état actuel des connaissances. 
 
𝐎𝐧 𝐞𝐧 𝐯𝐢𝐞𝐧𝐭 𝐝𝐨𝐧𝐜 𝐚𝐮𝐱 𝐥𝐢𝐦𝐢𝐭𝐞𝐬 𝐩𝐫𝐨𝐩𝐫𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭 𝐝𝐢𝐭𝐞𝐬. Pour chaque limite, on passe en revue: les processus physiques, chimiques, et biologies à l’œuvre, la définition des variables de contrôle (et en quoi elles sont cohérentes, crédibles et fiables et mesurables), puis les points de bascule identifiés, notre position actuelle, et enfin les interactions entre cette limite et les autres (souvenez-vous, on est dans la pensée « système »!). Je ne vais pas passer trop de temps à développer tous les arguments qui ont permis d’aboutir aux conclusions (après tout il faut bien qu’ils vendent des livres, donc si ça vous dit, achetez-le), mais bien vous donner les chiffres auxquels l’étude aboutit (ce que vous ne trouvez pas dans les diverses infographies, par contre).
 
𝗟𝗶𝗺𝗶𝘁𝗲 𝟭: 𝗹’𝗲́𝗿𝗼𝘀𝗶𝗼𝗻 𝗱𝗲 𝗹𝗮 𝗰𝗼𝘂𝗰𝗵𝗲 𝗱’𝗼𝘇𝗼𝗻𝗲 ; 𝗮𝗰𝗰𝗿𝗼𝗶𝘀𝘀𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 𝗱𝘂 𝗿𝗮𝘆𝗼𝗻𝗻𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 𝗨𝗩 𝗲𝗻 𝘀𝘂𝗿𝗳𝗮𝗰𝗲. 
  • Variable de contrôle: concentration d’ozone en unité Dobson. 1 UD = 10 micromètres.
  • Frontière planétaire à ne pas franchir: 95% de concentration par rapport à l’ère préindustrielle, soit 275 UD.
  • État actuel: 285 UD —> zone de sécurité !
Limite en interaction avec: biodiversité (les UBV altérant la photosynthèse) et cycle du carbone indirectement (réduction de l’absorption biologique du carbone).
 
𝗟𝗶𝗺𝗶𝘁𝗲 𝟮: 𝗹𝗲 𝗰𝗵𝗮𝗻𝗴𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 𝗰𝗹𝗶𝗺𝗮𝘁𝗶𝗾𝘂𝗲 ; 𝗿𝗲́𝗰𝗵𝗮𝘂𝗳𝗳𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 𝗴𝗹𝗼𝗯𝗮𝗹 𝗱𝘂 𝘀𝘆𝘀𝘁𝗲̀𝗺𝗲 𝗧𝗲𝗿𝗿𝗲.
  • Variables de contrôle : la concentration en CO2 en ppm dans l’atmosphère et le forçage radiatif en W/m2.
  • Frontières planétaires à ne pas franchir: 350 ppm et 1 W/m2.
  • État actuel: plus de 400 ppm (l’ensemble des glaces des pôles semblent disparaître totalement dès 450 ppm) et 2,3 W/m2 de forçage radiatif. Autrement dit on est bien bien dans le rouge, surtout pour le forçage radiatif (forcément puisque celui-ci prend en compte l’ensemble des GES). Niveaux dangereux atteints !
Interaction de cette limite avec les autres: presque toutes, en plus d’être impactée elle-même par les autres (une jolie boucle de rétroaction positive !). 
 
𝗟𝗶𝗺𝗶𝘁𝗲 𝟯: 𝗹’𝗮𝗰𝗶𝗱𝗶𝗳𝗶𝗰𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻 𝗱𝗲𝘀 𝗼𝗰𝗲́𝗮𝗻𝘀 ; 𝘂𝗻 𝗺𝗶𝗹𝗶𝗲𝘂 𝗮𝗹𝗰𝗮𝗹𝗶𝗻 𝗳𝗮𝘃𝗼𝗿𝗮𝗯𝗹𝗲 𝗮̀ 𝗹𝗮 𝘃𝗶𝗲 𝗺𝗮𝗿𝗶𝗻𝗲 𝗲𝘁 𝗮̀ 𝗹𝗮 𝗿𝗲́𝗴𝘂𝗹𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻 𝗱𝘂 𝗰𝗹𝗶𝗺𝗮𝘁.
  • Variable de contrôle: degré de saturation de l’eau de mer de surface en aragonite (en %), l’un des deux principaux carbonates de calcium produits par les organismes marins.
  • Frontière planétaire à ne pas dépasser: 80%.
  • État actuel: 84%, on approche de la zone d’incertitude (risque accru).
Interactions avec les autres limites: changement climatique (plus l’océan est acide moins il pourra absorber de CO2), biodiversité (organismes à la base de la chaîne alimentaire menacés, ainsi que les coraux), perturbations des cycles de l’azote et du phosphore, eutrophisation des eaux. 
 
𝐋𝐢𝐦𝐢𝐭𝐞 𝟒: 𝐜𝐲𝐜𝐥𝐞𝐬 𝐝𝐞 𝐥’𝐚𝐳𝐨𝐭𝐞 𝐞𝐭 𝐝𝐮 𝐩𝐡𝐨𝐬𝐩𝐡𝐨𝐫𝐞 ; 𝐦𝐞𝐧𝐚𝐜𝐞 𝐝𝐞𝐬 𝐜𝐲𝐜𝐥𝐞𝐬 𝐛𝐢𝐨𝐠𝐞́𝐨𝐜𝐡𝐢𝐦𝐢𝐪𝐮𝐞𝐬 𝐢𝐧𝐝𝐢𝐬𝐩𝐞𝐧𝐬𝐚𝐛𝐥𝐞𝐬 𝐧𝐨𝐭𝐚𝐦𝐦𝐞𝐧𝐭 𝐚̀ 𝐥𝐚 𝐜𝐨𝐧𝐬𝐭𝐫𝐮𝐜𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐝𝐞 𝐥’𝐀𝐃𝐍. 
  • Variables de contrôle: azote réactif anthropique injecté dans la nature, en Tétragrammes/an et phosphore extrait de manière anthropique et injecté dans la nature, en Tg/an également.
  • Frontière planétaire à ne pas franchir: 62Tg/an (azote) et 11Tg/an (phosphore)
  • État actuel: 150Tg/an (azote: zone dangereuse gravement atteinte) et 22Tg/an (phosphore: zone dangereuse atteinte).
Interactions avec les autres limites: changement climatique (accroissement des besoins en biomasse pour séquestration de carbone et usages énergétiques), intégrité de la biosphère, qualité des eaux de surface.
 
𝗟𝗶𝗺𝗶𝘁𝗲 𝟱: 𝗽𝗲𝗿𝘁𝘂𝗿𝗯𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻 𝗱𝘂 𝗰𝘆𝗰𝗹𝗲 𝗱𝗲 𝗹’𝗲𝗮𝘂 𝗱𝗼𝘂𝗰𝗲 ; 𝗶𝗹 𝗳𝗮𝘂𝘁 𝗯𝗶𝗲𝗻 𝗯𝗼𝗶𝗿𝗲 𝗲𝘁 𝗮𝗿𝗿𝗼𝘀𝗲𝗿 𝗹𝗲𝘀 𝗰𝘂𝗹𝘁𝘂𝗿𝗲𝘀 𝘀𝗮𝗻𝘀 𝘁𝗼𝘂𝘁 𝗳𝗮𝗶𝗿𝗲 𝗰𝗿𝗲𝘃𝗲𝗿...
  • Variable de contrôle: volume d’eau douce prélevé en km3/an.
  • Foncière planétaire à ne pas franchir: 4.000 km3/an.
  • État actuel: 2.600 km3/an, zone de sécurité, mais qui pourrait se dégrader très rapidement en raison des dépassements des autres limites.
Interaction avec les autres limites: biodiversité, climat, changement d’usage des sols. 
 
𝗟𝗶𝗺𝗶𝘁𝗲 𝟲: 𝗲́𝗿𝗼𝘀𝗶𝗼𝗻 𝗱𝗲 𝗹𝗮 𝗯𝗶𝗼𝗱𝗶𝘃𝗲𝗿𝘀𝗶𝘁𝗲́ ; 𝗴𝗮𝗴𝗲 𝗱𝗲 𝗿𝗲́𝘀𝗶𝗹𝗶𝗲𝗻𝗰𝗲 𝗱𝗲 𝗹𝗮 𝗯𝗶𝗼𝘀𝗽𝗵𝗲̀𝗿𝗲. 
  • Variables de contrôle: taux d’extinction des espèces, en nombre d’espèces éteintes par an et par million, et l’abondance d’espèces différentes en % de la population constatée sans intervention humaine.
  • Frontières à ne pas franchir: 10 espèces disparues par an pour 1 million et 90% d’abondance d’espèces sans intervention humaine.
  • État actuel (tenez-vous bien!): 100 à 1000 espèces éteintes par an pour 1 million Et 85% d’abondance des espèces. Autant dire que la zone rouge pour le taux d’extinction est faramineux, du jamais vu. C’est sans aucun doute la limite franchie le plus gravement parmi toutes (a se demander pourquoi on reste braqué sur le climat !). 
Interactions avec les autres limites: elle est notamment impactée par l’ensemble des autres limites, systématiquement. On prévoit d’ailleurs que les chiffres alarmants cités ci-dessus soient multipliés par 10 dans les décennies à venir... 
 
𝗟𝗶𝗺𝗶𝘁𝗲 𝟳: 𝗰𝗵𝗮𝗻𝗴𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 𝗱’𝗮𝗳𝗳𝗲𝗰𝘁𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻 𝗱𝗲𝘀 𝘀𝗼𝗹𝘀 ; 𝗲𝗳𝗳𝗲𝘁𝘀 𝗴𝗿𝗮𝘃𝗲𝘀 𝘀𝘂𝗿 𝗹𝗲𝘀 𝗽𝗿𝗼𝗰𝗲𝘀𝘀𝘂𝘀 𝗱𝗲 𝗿𝗲́𝗴𝘂𝗹𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻 𝗱𝘂 𝘀𝘆𝘀𝘁𝗲̀𝗺𝗲 𝗧𝗲𝗿𝗿𝗲. 𝗩𝗶𝘃𝗲 𝗹𝗲 𝗯𝗲́𝘁𝗼𝗻, 𝗹𝗲𝘀 𝗽𝗮̂𝘁𝘂𝗿𝗮𝗴𝗲𝘀 𝗲𝘁 𝗹𝗲𝘀 𝗺𝗼𝗻𝗼𝗰𝘂𝗹𝘁𝘂𝗿𝗲𝘀 !
  • Variable de contrôle: érosion de la couverture forestière (la plus emblématique et la plus participative à la résilience et à la régulation des autres limites), en % de la couverture par rapport à 1700.
  • Frontière à ne pas franchir: 75%.
  • État actuel: 62%. Zone d’incertitude largement franchie, à mi-chemin avec la zone de danger. 
Interactions avec les autres limites: climat (séquestration de carbone, et indirectement acidification des océans), biodiversité, eau douce disponible.
 
𝗟𝗶𝗺𝗶𝘁𝗲 𝟴 - 𝗡𝗢𝗨𝗩𝗘𝗔𝗨 !!! 𝗜𝗻𝘁𝗿𝗼𝗱𝘂𝗰𝘁𝗶𝗼𝗻 𝗱𝗲 𝗻𝗼𝘂𝘃𝗲𝗹𝗹𝗲𝘀 𝗲𝗻𝘁𝗶𝘁𝗲́𝘀 𝗱𝗮𝗻𝘀 𝗹’𝗲𝗻𝘃𝗶𝗿𝗼𝗻𝗻𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 (𝗮𝗿𝘁𝗶𝗳𝗶𝗰𝗶𝗲𝗹𝗹𝗲𝘀, 𝗰𝗿𝗲́𝗲́𝗲𝘀 𝗱𝗲 𝘁𝗼𝘂𝘁𝗲𝘀 𝗽𝗶𝗲̀𝗰𝗲𝘀 𝗽𝗮𝗿 𝗹’𝗵𝗼𝗺𝗺𝗲) ; 𝗱𝗲𝘀 𝗻𝘂𝗶𝘀𝗮𝗻𝗰𝗲𝘀 𝗲𝗻𝗰𝗼𝗿𝗲 𝗺𝗲́𝗰𝗼𝗻𝗻𝘂𝗲𝘀 𝗲𝘁 𝗽𝗼𝘁𝗲𝗻𝘁𝗶𝗲𝗹𝗹𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 𝗱𝗲́𝘃𝗮𝘀𝘁𝗮𝘁𝗿𝗶𝗰𝗲𝘀.
 
La grosse difficulté pour ce point est qu’il n’existe pas de valeur de référence, puisque par définition il n’y a aucune période de comparaison: ce sont des produits qui n’existent pas (ou très marginalement) à l’état naturel - et donc la nature n’a pas été prévue pour les gérer/dégrader/incorporer à ses cycles. On parle notamment des plastiques et micro plastiques, des perturbateurs endocriniens et autres centaines de milliers de molécules totalement nouvelles et inédite pour le système Terre. Dès lors, cette limite était inquantifiable. La communauté de chercheurs s’est cependant mise d’accord sur 3 variables de contrôle, misant sur des tendances plutôt que sur des limites chiffrées, et c’est cela qui est nouveau: l’accord sur les variables de contrôle. Ces tendances sont tellement fortes, tant en quantités générées qu’en accélération, qu’il a été décidé de placer l’état sur « zone dangereuse » par défaut ! 
 
Retrouvez le résumé de l’étude ici: https://pubs.acs.org/doi/10.1021/acs.est.1c04158
 
  • Variables de contrôle retenues: Tendance de production de nouvelles entités chimiques artificielles prenant en compte l’effet verrou de certaines d’entre elles (pas encore d’alternatives et dépendance de l’industrie en général à ces substances) ; Tendance de volume de plastique produit ; la part de ces nouvelles entités dont on a des études suffisantes sur leur sécurité (une infime fraction)
 
Il est dès lors un rien présomptueux de dire que cette nouvelle limite est identifiée au même titre que les autres, elle n’est ni quantifiée, ni mesurable (très peu de nouveaux composants sont sérieusement connus), mais ce qui est certain est qu’il demeure un doute raisonnable sur la capacité du système Terre à les absorber ! En gros, on est bien dans le rouge (rouge foncé). 
 
𝗟𝗶𝗺𝗶𝘁𝗲 𝟵: 𝗰𝗵𝗮𝗿𝗴𝗲 𝗮𝘁𝗺𝗼𝘀𝗽𝗵𝗲́𝗿𝗶𝗾𝘂𝗲 𝗲𝗻 𝗮𝗲́𝗿𝗼𝘀𝗼𝗹𝘀 ; 𝗹𝗶𝗺𝗶𝘁𝗲𝘀 𝗻𝗼𝗻 𝗲́𝘁𝗮𝗯𝗹𝗶𝗲𝘀, 𝗺𝗮𝗶𝘀 𝘀𝘂𝘀𝗽𝗶𝗰𝗶𝗼𝗻 𝗱𝗲 𝗱𝗲́𝗽𝗮𝘀𝘀𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁. 
 
Cette limite est mal connue, mal mesurée, mal objectivable avec les connaissances actuelles. Il est possible qu’elle soit une boucle rétroactive négative pour le climat (refroidissement) mais nécessite encore des recherches et surtout un consensus plus large qu’actuellement. Limite en cours d’établissement, donc ! Il ne subsiste par contre aucun doute quant à son impact sur la santé humaine, mais il s’agit d’une question sanitaire qui ne suffit pas à déterminer une limite du système Terre. 
 
𝐃𝐞𝐬 𝐥𝐢𝐦𝐢𝐭𝐞𝐬 𝐝𝐞́𝐩𝐚𝐬𝐬𝐞́𝐞𝐬 𝐟𝐨𝐫𝐭𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭, 𝐞𝐭 𝐞𝐧 𝐩𝐚𝐬𝐬𝐞 𝐝𝐞 𝐥’𝐞̂𝐭𝐫𝐞.
 
On l’a donc vu, on est largement hors limite de certains paramètres, d’autres peuvent être atteintes plus rapidement que prévu à cause des multiples interactions entre elles. Si le problème de la couche d’Ozone peut être un exemple encourageant, on pourra émettre deux hypothèses quant au fait d’avoir surmonté rapidement cette limite: il s’agissait d’un problème concernant un tout petit nombre d’acteurs, et pour lequel on avait un produit de substitution: dès lors les efforts à entreprendre étaient minimes (infimes?) par rapport aux limites que nous dépassons actuellement. Il faudra plus qu’une petite conférence de Montreal (protocole interdisant les gaz destructeurs de couche d’Ozone) pour régler le souci. La preuve ? On ne s’occupe que du climat, et malgré les COPs qui s’enchaînent, le phénomène ne montre pas un sel signe de ralentissement... est-on dans la merde ? Il y a fort à parier que oui, à moins d’un sursaut miraculeux et salvateur!
 
𝐐𝐮𝐞𝐥𝐥𝐞𝐬 𝐥𝐢𝐦𝐢𝐭𝐞𝐬 𝐚𝐮 𝐦𝐨𝐝𝐞̀𝐥𝐞 𝐝𝐞𝐬 𝐥𝐢𝐦𝐢𝐭𝐞𝐬 𝐩𝐥𝐚𝐧𝐞́𝐭𝐚𝐢𝐫𝐞𝐬 ?
 
On peut y opposer plusieurs arguments (de l’aveu même des concepteurs !):

- Un cadre scientifique encore fragile: pour de nombreuses limites, on manque encore de connaissances suffisantes que pour pouvoir modéliser la nature et prétendre lui fixer des limites.
 
- Ce modèle tendrait à faire penser que les responsabilités sont homogènes entre tous les humains: il est vrai que le modèle ne se positionne pas sociologiquement. 
 
- Il pourrait aussi donner l’impression qu’il est possible de « piloter » le système Terre, ce qui pourrait paraître démiurgique.
 
- Il ne sert peut-être à rien... pour être utile il devrait être à tout le moins un outil d’aide à la décision. Or ce n’est pas le cas... même pour le climat, les modèles semblent bien hermétiques aux décisions politiques et financières. Néanmoins il a le mérite d’exister et peut-être de nous permettre de nous situer plus ou moins précisément dans le système Terre et d’évaluer les dégâts que nous lui infligeons...

 
Bref! Vous voulez, en une après-midi, avoir une idée des principaux mécanismes à l’œuvre dans le système Terre (il y a vraiment beaucoup d’explications de fond, j’ai particulièrement apprécié le chapitre sur le cycle du phosphore, pour lequel je peinais à trouver des infos), de l’impact des activités humaines, le tout chiffré, comparé à un monde sans humains ? Sourcé, documenté ? Ce livre est fait pour vous ! Certes, il ne fait que survoler rapidement le tout, mais donne un certain nombre de clés précieuses pour une meilleure compréhension (forcément incomplète, mais on n’est pas tous là pour être des experts en tout) des phénomènes physiques, chimiques et biologies à l’œuvre, et comment nous parvenons à perturber chacun d’entre eux.
 
Un livre de compréhension, plus que d’action. Mais pour agir, c’est mieux d’avoir compris d’abord certaines choses, non ?
 
Consultez aussi le très bon article de Bon Pote!
 
Bonne chance
😅

Commentaires